Dans une interview exclusive accordée à L’Écho ce 21 janvier 2025, Rémi Thirion, vice-président de BeProsumer, expose les enjeux cruciaux de l’indemnisation proportionnelle des décrochages d’onduleurs. Alors que BeProsumer rencontre ce jour le cabinet de la ministre de l’Énergie, l’association plaide pour l’utilisation de données précises, enregistrées en temps réel, afin de garantir une compensation équitable pour les prosumers victimes de surtensions. Une discussion essentielle pour éviter que des milliers de ménages ne soient exclus des indemnisations promises par le gouvernement wallon.
Caroline Sury (via l’écho)
Le gouvernement wallon l'a mis noir sur blanc dans sa déclaration de politique régionale: les ménages qui ont une installation photovoltaïque (les prosumers), dont l'onduleur décroche régulièrement, pourront compter sur "une indemnité proportionnelle en cas de préjudice avéré et objectivé".
Pour rappel, lorsqu'il y a une surtension sur le réseau, un décrochage se produit et les panneaux photovoltaïques ne produisent plus d’électricité, ce qui affecte négativement la rentabilité de l'installation.Si l'indemnité proportionnelle promise par le gouvernement wallon se base sur ces données de tension par quart d'heure, il se pourrait qu'une majorité de prosumers n'obtiennent aucune compensation.
Compteur communicant
Comment quantifier ce préjudice? En premier lieu, il faut demander au gestionnaire de réseau et de distribution (GRD), le placement d'un compteur communicant. Il permet d'analyser la tension tous les quarts d'heure.
Cependant, pour BeProsumer, l'ASBL qui défend les intérêts des prosumers, cette mesure de la tension est insuffisante. "Les moyennes calculées sur des périodes de 15 minutes peuvent masquer des fluctuations de tension à court terme", explique Rémi Thirion, vice-président BeProsumer.

L’ASBL, qui prodigue des recommandations sur base des données mesurée par un dongle branché sur le compteur communicant de ses membres, a pu s’en rendre compte. En pratique, ce petit périphérique permet de mesurer la tension quasi en temps réel. "Comme les GRD ne disposent pas d'une telle information, il arrive qu'ils rejettent des plaintes liées à des décrochages en raison de l'absence de preuves objectives et précises."
Mais cela signifie aussi et surtout que si l'indemnité proportionnelle promise par le gouvernement wallon se base sur ces données de tension par quart d'heure, il se pourrait qu'une majorité de prosumers n'obtiennent aucune compensation.
"Ce qui n'est pas quantifiable n'est pas négociable. Et sans données fiables, il est impossible de définir des indemnisations justes."
Rémi Thirion
Vice-président de BeProsumer
"Les citoyens en général, et les prosumers en particulier, ont majoritairement voté en juin dernier pour une méthodologie que l’on nous promet plus efficiente", rappelle Rémi Thirion. "C’est donc dans cette direction que s’inscriront nos propositions."
Le précédent ministre wallon de l'Énergie, Philippe Henry, avait proposé une indemnité forfaitaire basée sur des interruptions de plus de deux heures. Une solution jugée inefficace par l'ASBL, car elle ne reflète pas les pertes réelles des prosumers.
OpenWatt
Pour BeProsumer, il est donc indispensable que la future indemnisation proportionnelle soit basée sur des données enregistrées en temps réel pour calculer les pertes précises en kWh. "Ce qui n'est pas quantifiable n'est pas négociable", précise Rémi Thirion. "Et sans données fiables, il est impossible de définir des indemnisations justes."
Et c'est le message que l'ASBL compte bien faire passer au cabinet la ministre wallonne de l'Énergie, Cécile Neven, ce 21 janvier lors d'une réunion de concertation destinée à trouver des solutions adéquates au problème des décrochages.
Dans cette optique, l'ASBL va indiquer au cabinet ministériel qu'elle dispose déjà d'une plateforme – développée en collaboration avec OpenWatt – qui récolte des données en temps réel (via les dongles connectés aux compteurs) qui sont indispensables pour déterminer et budgétiser une formule d’indemnisation juste et équitable.
Partage de données
"Nous avons la volonté de permettre aux victimes du réseau défaillant de partager temporairement ces données avec le service de médiation du régulateur et les décideurs politiques", explique Rémi Thirion. "Pour trouver le juste milieu entre la création d’une nouvelle ‘bulle photovoltaïque’ ou la coquille vide proposée par les GRD, le politique gagnerait à ajuster sa formule d’indemnisation au fur et à mesure de l’arrivée des données de tension de 2025." S'il n'y a pas d'accord pour déployer des outils de mesures précis avant la saison solaire 2025, BeProsumer prévoit d'intenter des recours juridiques contre les GRD au nom de ses membres.
"Ces outils innovants et standardisés, reflétant la réalité des victimes du réseau, offriront également à la Cwape, garante de la performance et du respect des normes, davantage d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis du bon vouloir des GRD, renforçant ainsi son rôle dans l’accomplissement de sa mission de service public."
Par ailleurs, malgré le nouveau compteur, il arrive que les GRD doivent installer un appareil de mesure pour une semaine. "Cette opération coûte 300 euros. C'est un gâchis d’argent public comparé à un dongle à quelques dizaines d’euros."
Action collective en justice
Si à la suite de cette concertation, il n'y a pas d'accord pour déployer des outils de mesures précis avant la saison solaire 2025 (que ce soit avec un dongle P1 OpenWatt ou tout autre dongle compatible), BeProsumer prévoit d'intenter des recours juridiques contre les GRD au nom de ses membres.
"Fin 2024, nous avons reçu une analyse juridique de notre cabinet d'avocats qui a confirmé la faisabilité de ces actions en justice", a conclu Rémi Thirion.