Introduction générale

Le 15 avril 2025, l'association BeProsumer était invitée à une conférence organisée par ORES, le gestionnaire de réseau wallon, pour la présentation de son ambitieux plan d'adaptation pour la période 2026-2030. Cette rencontre a rassemblé plusieurs acteurs clés de l'écosystème énergétique régional, notamment la CWAPE, les industriels, des représentants d'associations citoyennes, ainsi que des journalistes.

Pour nos membres prosumers, souvent précurseurs dans l'électrification des usages (photovoltaïque, mobilité électrique, pompes à chaleur), cette conférence fut riche d'enseignements sur la manière dont ORES compte répondre aux défis techniques, économiques et sociétaux de la prochaine décennie. Voici une synthèse structurée des interventions clés.

Introduction de Fernand Grifnée (CEO d'ORES)

Vers un réseau à l'épreuve des incertitudes

Fernand Grifnée a ouvert la conférence en insistant sur la complexité croissante de la planification du réseau. Selon lui, l'incertitude est devenue la norme : climat, comportement des consommateurs, nouvelles technologies... ORES souhaite donc adopter une approche plus participative et transparente, en partageant ses hypothèses et en sollicitant activement les retours des acteurs du terrain.

Il rappelle que l'objectif final n'est pas de doter ORES de jolis indicateurs, mais de permettre à chaque citoyen, à chaque entreprise, de réaliser ses projets d'électrification. Le réseau est au service de la transition, et non l'inverse.

Intervention de la CWAPE

Une concertation publique cruciale

Stéphane Renier, président de la CWAPE, a rappelé l'importance de cette consultation publique. Le plan d'adaptation n'est pas un simple exercice technique : il s'agit d'un document fondamental qui doit guider les investissements en réseau pour les cinq prochaines années. La CWAPE veillera à ce que les investissements soient à la fois ambitieux, transparents et supportables pour les citoyens.

Il a souligné la hausse drastique des investissements prévus : 467 millions d'euros par an entre 2025 et 2029, contre 291 millions les années précédentes. Mais il a également insisté sur l'importance de l'intelligence du réseau : flexibilité, incitants tarifaires, et meilleure coordination entre producteurs et consommateurs.

Intervention de Sébastien Mahaut (Directeur Stratégie et Transformation) 

 Les hypothèses qui sous-tendent le plan 2026-2030

Le plan repose sur trois axes :

• Modernisation et sécurisation du réseau existant (remplacement des assets > 50 ans).
• Réponse aux nouvelles demandes clients (pompes à chaleur, VE, batteries).
• Renforcement structurel du réseau pour éviter la congestion.

La démocratisation du compteur communicant est au cœur de cette stratégie : 1,25 million d'unités à installer, permettant un meilleur monitoring et la tarification incitative.

Les projections incluent :

• 500 000 VE en 2030
• 1 million de PAC selon le scénario "multi-vecteur"
• Croissance du PV concentrée sur le segment industriel > 5 MVA

Sébastien Mahaut insiste sur l'importance du foisonnement statistique pour estimer l'impact réel sur les pointes, et la nécessité d'une planification très fine à l'échelle des quartiers.

Intervention de Didier Moës

Traduire la vision en travaux concrets

Didier Moës a présenté le détail des travaux physiques qui en découlent :

• Basse tension : passer de 600 à 1 000 km de câbles posés/an
• Moyenne tension : +800 km/an
• Cabines de transformation : +700/an

Ces chiffres impliquent un renforcement des équipes internes (+300 ETP) et des partenariats avec les entrepreneurs externes. Il a aussi pointé les risques logistiques (rupture de stock de transformateurs, de câbles, etc.) et l'importance de créer des stocks stratégiques.

Les investissements seront ciblés par zone selon les besoins : par exemple, le Brabant Wallon, les cantons de l'est et le Luxembourg sont particulièrement sollicités.

Intervention de Olivier Devolder Clients & Markets Director in Energy Distribution :

Flexibilité, industrie et open data : le futur du plan d'adaptation

La vision 2026-2030 va plus loin que l'infrastructure :

• Une étude sectorielle est lancée pour mieux anticiper l'électrification de l'industrie (Plan Puissance).
• Trois types de flexibilités seront activés : tarifaire (via le tarif incitatif 2026), commerciale (via appels d'offres locaux), technique (raccordement flexible, limitation dynamique, etc.).
• L'open data progresse : la cartographie des zones en surtension est déjà en ligne, et d'autres cartes (capacité de puissance, etc.) sont en cours de développement.

Olivier Devolder rappelle que sans flexibilité et transparence, l'investissement seul ne suffira pas. La transition est systémique.

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« On ne saura pas faire tout, partout, tout le temps, pour tout le monde. »

En clôture de la matinée, Fernand Grifnée a pris le temps de revenir sur les nombreux sujets abordés, tout en apportant un éclairage nuancé sur la réalité du terrain et la capacité d’action d’un gestionnaire de réseau tel qu’ORES. Il a reconnu l’importance des attentes légitimes exprimées par les prosumers, les communes et les différents acteurs du secteur, notamment en ce qui concerne la transparence, la fiabilité du réseau et l’accès aux données. Toutefois, il a souligné que cette transition énergétique, bien que nécessaire et urgente, ne pourra pas répondre à toutes les demandes, partout, immédiatement, et pour tout le monde, selon la formule qu’il a lui-même reprise : « On ne saura pas faire tout, partout, tout le temps, pour tout le monde. »

Cette phrase, qu’il n’a pas prononcée à la légère, visait à replacer le débat dans un cadre pragmatique. Il a insisté sur le fait que, malgré les ambitions fortes partagées par tous les acteurs, il est indispensable d’avancer de manière structurée, avec une vision claire des priorités, des capacités techniques du réseau et des moyens disponibles. L’effort collectif ne doit pas se heurter à des promesses irréalistes, mais au contraire s’inscrire dans une logique de co-construction progressive, basée sur la concertation, la transparence et l’engagement mutuel. En ce sens, il a réaffirmé sa volonté d’intensifier le dialogue avec les acteurs de terrain, tout en appelant chacun à faire preuve de compréhension, de responsabilité et de réalisme face aux défis à relever.

Conclusion : Un message clair pour les Prosumers

Du côté de BeProsumer, nous constatons avec satisfaction que les problèmes de décrochage d’onduleurs, que nous dénonçons depuis plusieurs années, ont enfin été reconnus comme un enjeu majeur du secteur.

Longtemps minimisés par certains responsables politiques et gestionnaires de réseau, ces phénomènes sont aujourd’hui pleinement intégrés dans la réflexion stratégique et opérationnelle autour de la modernisation des infrastructures. La prise de conscience est réelle, et nous saluons les moyens ambitieux désormais octroyés par le régulateur pour permettre aux gestionnaires de réseau, dont ORES, de rattraper leur retard.

Nous déplorons néanmoins que cette mobilisation arrive tardivement. Ce manque d’anticipation a eu pour conséquence directe de pénaliser les prosumers, notamment ceux situés en bout de ligne, dans des zones où les "infrastructures"assets" vieillissants – parfois âgées de près de 70 ans – n’ont pas été rénovées à temps. Ces citoyens subissent aujourd’hui les effets d’un service public défaillant, à travers des décrochages récurrents et une qualité de tension insuffisante, les empêchant à la fois de consommer leur propre production et de l’injecter correctement sur le réseau.

Nous invitons donc nos membres à répondre massivement à la consultation publique lancée par ORES. C’est une opportunité concrète de faire entendre la voix des utilisateurs finaux.

De notre côté, nous y contribuerons activement au nom de nos membres.

Mais en parallèle, notre travail ne s’arrête pas là.

Nous poursuivons la construction d’une stratégie robuste autour de la problématique des décrochages, afin que celles et ceux qui ne bénéficient ni d’une alimentation stable, ni d’une capacité d’injection correcte, puissent faire valoir leurs droits.

Aujourd’hui, certains prosumers subissent une triple peine :

• Ils doivent prélever leur énergie sur le réseau, en payant toutes les taxes et redevances qui financent justement la modernisation de ce réseau, dont elles ne bénéficient pas.

• Ils sont soumises au tarif prosumer, censé compenser l’utilisation du réseau via le compteur qui tourne à l’envers – alors même que leur production ne peut plus s’y injecter.

• Ils ne peuvent pas autoconsommer leur énergie, car leurs onduleurs se coupent en raison de la mauvaise qualité de tension.

Fernand Grifnée a lui-même reconnu que :

« On ne saura pas faire tout, partout, tout le temps, pour tout le monde. »

Cette déclaration, aussi lucide qu’honnête, traduit la réalité actuelle du terrain. Elle ouvre également la porte à une nécessité de compensation pour toutes les personnes pénalisées par les lenteurs de la modernisation du réseau et le décalage entre les ambitions annoncées et la capacité réelle d’intervention des gestionnaires.

Face à cette situation, nous encourageons tous nos membres concernés à enregistrer leurs données de tension à l’aide du dongle P1 et de la plateforme OpenWatt.

Ces enregistrements permettront d’objectiver les préjudices subis et de soutenir les actions collectives que nous préparons, y compris d’éventuels recours juridiques à l’encontre des gestionnaires de réseau si aucun compromis n'est trouvé avec le gouvernement MR / Engagés dans le cadre de la Déclaration de politique régionale.